Issue |
Educ Ther Patient/Ther Patient Educ
Volume 16, Number 2, 2024
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Article Number | 20202 | |
Number of page(s) | 19 | |
Section | Études / Studies | |
DOI | https://doi.org/10.1051/tpe/2024024 | |
Published online | 03 January 2025 |
Article original / Original Article
Vers une éducation thérapeutique salutogénique au profit du parcours de vie des personnes autistes : une recherche « par, pour et avec » la communauté autiste
Towards a salutogenic therapeutic education to support the life course of autistic people: research "by, for and with" the autistic community
1
Laboratoire Éducations et Promotion de la Santé (LEPS UR3412), Université Sorbonne Paris Nord, Bobigny, France
2
Association Le Verger de l’Altérité, Saint-Fraigne, France
* Auteur de correspondance : christelle.durand-larrieux@edu.univ-paris13.fr
Reçu :
25
Octobre
2024
Accepté :
28
Novembre
2024
Introduction : Depuis 2021, l’ETP est officiellement inscrite dans le parcours de soins des personnes autistes, et des programmes se développent progressivement sur le territoire national. Objectifs : Afin de contribuer à une réflexion sur des objectifs d’éducation à visée salutogénique, permettant de soutenir les capabilités individuelles et collectives des personnes adultes autistes, nous avons tenté de définir leurs besoins éducatifs. Méthodes : Une étude descriptive « portée par » la communauté autiste a été menée sous forme de focus groups auprès de vingt et une personnes volontaires, toutes membres de Groupes d’Entraide Mutuelle Autisme situés en Nouvelle-Aquitaine. Résultats : En appliquant l’approche des capabilités de Martha Nussbaum, huit domaines au sein desquels les personnes autistes rencontrent des obstacles à une vie épanouie, ont été mis en exergue. De multiples besoins ont été identifiés desquels ont été dégagés des besoins éducatifs. Ces derniers concernent la construction identitaire, la normativité de santé, le parcours de soins, la relation avec les soignant · e · s, la gestion de vie, les interactions sociales et la démocratisation de l’autisme. Discussion : Une éducation capabilitante combinant ETP et éducation salutogénique, apparaîtrait pertinente pour améliorer le parcours de vie du public autiste. Conclusion : Cette étude communautaire a permis d’identifier des besoins éducatifs sous une nouvelle perspective, suggérant de développer les capabilités des personnes autistes au sein de l’ETP.
Abstract
Introduction: Since 2021, therapeutic patient education (TPE) has been officially included in the care pathway for people with autism, and programs are gradually being developed across the French territory. Objectives: In order to contribute to a reflexion on salutogenic education objectives, which would support the individual and collective capabilities of adults with autism, we attempted to define their educational needs. Methods: An autistic descriptive community based research was carried out in the form of focus groups involving twenty-one volunteers, all members of Autism Mutual Aid Groups located in the Nouvelle-Aquitaine region. Results: By applying Martha Nussbaum’s capability approach, eight areas in which people with autism encounter obstacles to a fulfilled life were highlighted. Multiple needs have been identified, from which educational needs have emerged. These relate to identity building, health normativity, the care pathway, relationships with carers, life management, social interactions and the democratisation of autism. Discussion: Enabling education combining TPE and salutogenic education would appear to be relevant for improving the life course of autistic people. Conclusion: This community study identified educational needs from a new perspective, suggesting that the capabilities of people with autism should be developed within TPE.
Mots clés : ETP / autisme / éducation salutogénique / capabilité / neurodiversité
Key words: TPE / autism / education salutogenic / capability / neurodiversity
© C. Durand-Larrieux et al., 2025
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Abréviations
AASPIRE : Academic Autism Spectrum Partnership In Research and Education
DGOS : Direction Générale de l’Offre de Soins
ETP : Éducation Thérapeutique du Patient
GEM : Groupe d’Entraide Mutuelle
MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées
PCPE : Pôle de Compétences et de Prestations Externalisées
PEA : Plateforme Emploi Accompagné
SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-social pour Adultes Handicapés
SAVS : Service d’Accompagnement à la Vie Sociale
1 Introduction
1.1 L’autisme, un enjeu de santé publique
Depuis plus d’une décennie, l’autisme est reconnu comme un enjeu majeur de santé publique. Labellisé « grande cause nationale » en 2012, l’autisme a fait l’objet de multiples plans et stratégies nationaux successifs [1]. Cette orientation politique a été permise par la médiatisation et l’activisme des associations de parents d’enfants autistes ainsi que par l’émergence de la notion « d’épidémie d’autisme », mise en exergue par une multitude d’études épidémiologiques [2].
Entre 2010 et 2017, la prévalence annuelle de l’autisme en France n’a en effet cessé d’augmenter, tant chez les hommes que chez les femmes [3]. En 2017, le pays recensait 119 260 personnes autistes, soit une prévalence de 17,9 pour 10 000 habitants [3]. La Nouvelle-Aquitaine figure parmi les régions dans lesquelles les taux sont les plus élevés [3,4]. À ce jour, aucune cause spécifique de l’autisme n’a été établie : divers facteurs de risques génétiques et environnementaux sont incriminés [5].
Certaines pathologies génétiques (X-fragile, syndrome d’Angelman…), neurologiques (trouble de l’attention, hyperactivité, épilepsie…), somatiques (problèmes gastro-intestinaux, troubles neuro-cutanés…) ou encore psychiques (dépression, anxiété) [6–9] sont plus présentes au sein de la population autiste [6,8–10]. Des co-morbidités y sont associées. Ainsi, elle est plus sujette aux tendances suicidaires et à une mortalité prématurée que la population générale [6,11]. Cependant, ces informations épidémiologiques, inscrites dans un discours pathogénique, ne permettent pas de cerner à elles-seules la problématique de santé des personnes autistes.
1.2 Une qualité de vie limitée par un environnement neuronormatif
L’autisme peut être considéré comme « une différence neurodéveloppementale reconnue par deux grands groupes d’indicateurs comportementaux : certaines particularités concernant la communication et l’interaction sociale, d’une part, et un ensemble de particularités sensorielles, perceptuelles et cognitives, d’autre part » [5]. Certaines études, selon une approche énactive qui considère l’environnement comme une composante nécessaire au traitement de l’information, soulignent que ces particularités ne doivent pas être caractérisées comme anormales ou déficitaires, mais être reconsidérées à l’aune du concept de neuronormativité [5,12,13]. Les difficultés rencontrées par les personnes autistes résultent ainsi d’inadéquations entre la forme particulière de leur fonctionnement neurologique, baptisée depuis quelques années « neurodiversité », et les ressources « d’un environnement construit par et pour les personnes neurotypiques » [13]. À l’instar du modèle social du handicap, la qualité de vie des personnes autistes est considérée être influencée à la fois par des facteurs biologiques et un ensemble plus large de facteurs contextuels [14,15].
Ces deux notions de facteurs internes et externes mettent en relief leur proximité avec l’approche des capabilités de Martha Nussbaum. Cette approche des capabilités a été adoptée par Pellicano et al. afin d’identifier les manières dont les personnes autistes peuvent s’épanouir, selon leurs propres conditions, et la nature des obstacles à cet épanouissement [16]. Contrairement aux stéréotypes classiques sur l’autisme, il existe certaines capabilités dans lesquelles les personnes autistes ont le potentiel d’exceller, telles que les émotions, l’affiliation, le jeu, ou encore le contrôle de leur environnement [16]. Elles se retrouvent cependant limitées dans les capabilités de vie, de santé et d’intégrité corporelles, dans lesquelles elles rencontrent des désavantages et des obstacles sociaux, économiques et environnementaux [16]. La population autiste est ainsi confrontée à de multiples barrières en matière de soins de santé, en termes notamment d’inaccessibilité, d’un manque d’environnement et de soins adaptés, ainsi que d’une mauvaise compréhension et communication avec les soignant · e · s [10,16].
1.3 Personnes autistes… quelle éducation thérapeutique ?
L’approche par les capabilités valorise les choix et les objectifs de vie subjectifs que les personnes se fixent, malgré leur maladie ou leur condition chronique, et elle fait valoir également leur agencéité, c’est-à-dire leur capacité à réaliser leurs projets [17]. En ce sens, cette approche a une certaine affinité avec l’Education Thérapeutique des Patient · e · s (ETP). En effet, l’ETP vise à permettre aux patient · e · s « d’acquérir et de conserver les capacités et compétences qui les aident à vivre de manière optimale avec leur maladie » [18]. Depuis 2021, elle est officiellement inscrite dans le parcours de soins des personnes autistes [19]. Selon le rapport de mise en œuvre de programmes d’éducation thérapeutique pour les personnes autistes et leur famille, l’ETP « permet aux personnes atteintes d’une condition chronique d’acquérir des compétences d’autosoins au sens large du terme, mais aussi d’adaptation psychosociale » [20]. Dans le cadre de l’autisme, la notion de « compétence d’adaptation psychosociale » a particulièrement besoin d’être questionnée, et « traitée au regard des processus d’auto-normativité » des personnes autistes [21]. Le développement de « compétences d’adaptation psychosociale » chez le public autiste ne doit pas renvoyer de manière sous-jacente, à la notion d’inadaptation [22], et viser une logique de normativité selon laquelle il faut remédier aux lacunes sociales, émotionnelles et cognitives apparentes des personnes autistes, pour qu’elles puissent s’adapter à un environnement socialement construit. En effet, selon certains auteur · e · s, l’adaptation « n’est pas durable au sens d’une progression des capabilités des personnes » [23]. C’est pourquoi il est nécessaire « d’encourager les personnes autistes elles-mêmes à réfléchir davantage aux capabilités auxquelles elles aspirent et aux obstacles qui, selon elles, les entravent » [16].
Par leur approche d’« éducation salutogénique » (ES) [21], Gross et Gagnayre offrent un nouveau cadre pour repenser l’éducation thérapeutique des personnes autistes, qui n’a pas encore été invoqué dans ce champ. Or, un tel modèle éducatif alliant éducation aux capabilités individuelles et éducation aux capabilités collectives, permettrait à la fois le « prendre soin » du public autiste, mais également le développement d’un « parcours de soins juste » [21].
Les travaux de Morsa et al., réalisés sous l’égide de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) dans le cadre du déploiement national de l’ETP Autisme [20], soulignent l’enjeu de la production de connaissances relative aux besoins éducatifs des personnes concernées par l’autisme pour la mise en œuvre d’interventions appropriées [24]. Selon les auteur · e · s, ces besoins sont « encore insuffisamment documentés » et ont « rarement fait l’objet d’études qualitatives » [24]. La poursuite de leurs travaux ont permis d’identifier, à travers une démarche quantitative, les besoins éducatifs des personnes autistes ainsi que de leurs aidants [20,25]. Aussi, en tant qu’association de personnes autistes engagée en démocratie en santé, nous avons entrepris d’enrichir ces recherches par une étude qualitative communautaire, afin de mieux saisir « l’expérience réelle » de notre communauté [24].
2 Objectifs
Le but de cette étude était d’identifier les besoins de santé subjectifs des personnes autistes. Notre souhait était de contribuer à une réflexion sur le développement d’activités d’éducation thérapeutique à visée salutogénique, basées sur les capabilités des personnes autistes. Cela nécessitait de déterminer « les besoins éducatifs » des personnes autistes de notre territoire. La notion de « besoins éducatifs » est entendue comme « l’écart entre un niveau de savoir actuel et un niveau de savoir souhaité par la personne, lequel peut être potentiellement comblé par des interventions éducatives » [20]. Les besoins et attentes éducatifs des personnes autistes concernent ce qu’elles estiment nécessaire et ce qu’elles souhaitent apprendre pour solutionner leurs problèmes de santé.
Les objectifs de la recherche étaient de : (1) recueillir les besoins subjectifs de personnes autistes et les prioriser, (2) déterminer les besoins non satisfaits ou partiellement satisfaits, (3) faire émerger les questions salutogéniques relatives au parcours de vie du public autiste afin de mieux répondre à ces besoins, (4) dégager parmi ces besoins, les besoins éducatifs.
3 Méthode
3.1 Cadre théorique
Il s’agissait de caractériser les besoins et les attentes en santé et en éducation thérapeutique des personnes autistes, afin de mieux comprendre les obstacles aux capabilités vécus sur notre territoire, et d’interpréter les résultats collectivement, par les concerné · e · s. Notre démarche visait ainsi à « encorporer » [26] la vision de la communauté autiste, à l’aune exclusive de ses savoirs situés, son expérience commune ayant valeur d’expertise sur le réel [27]. Elle s’inscrit dans un cadre épistémologique féministe, et s’ancre plus particulièrement dans le champ des Feminist Disability Studies, ces dernières ayant introduit une dimension « plus incarnée de l’expérience du handicap » [28]. L’adoption de cette perspective, qui remet en question la normalisation de certains corps et esprits, a été essentielle au développement d’une approche capacitaire et non pathologisante pour appréhender les expériences vécues des participant · e · s autistes.
3.2 Population de l’étude
Les personnes ciblées par l’étude étaient des personnes adultes diagnostiquées autistes ou auto-diagnostiquées, à savoir celles qui sont en attente d’un diagnostic formel [29], et adhérentes à un Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) Autisme. En tant qu’association porteuse d’un GEM Autisme, à l’origine de cette étude, il nous est apparu évident d’établir une collaboration de recherche inter-GEM Autisme, au sein desquels le recrutement de personnes autistes volontaires pour participer à la recherche était aisé. En outre, cette recherche répond à l’objectif principal des GEM, à savoir « favoriser la participation sociale des personnes ».
Cinq GEM autisme implantés en Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres et Vienne, soit quatre départements de la Nouvelle-Aquitaine, ont été identifiés en fonction de leur proximité géographique avec notre association.
La non compréhension du formulaire d’information par les participant · e · s potentiel · le · s était un critère de non-inclusion.
3.3 Taille de l’échantillon
S’agissant d’un échantillon intentionnel, sa constitution a été balisée par des impératifs logistiques (calendrier de la recherche à respecter), économiques (proximité des lieux d’étude), et normatifs (adaptation à l’hypersensibilité auditive des participant.e.s, à leurs particularités d’expression et de concentration) [30]. Nous avions ainsi estimé organiser entre 3 et 4 focus groups, chacun comprenant un nombre de 6 à 8 participants maximum. Le critère utilisé afin de déterminer le nombre de participant · e · s était celui de la saturation des données qui « renvoie au point où, dans une recherche, toute donnée nouvelle n’apporte aucun élément nouveau à la compréhension du phénomène à l’étude » [31].
3.4 Recrutement des participant · e · s
Après une réunion d’étude préliminaire visant à expliciter en détails les objectifs et les modalités de la recherche, chaque GEM Autisme ciblé était chargé d’effectuer le recrutement des participant · e · s au sein de leurs adhérent · e · s. Ce recrutement s’est appuyé sur les formulaires d’information et de consentement rédigés avec des mots courants et des phrases courtes et directes, à l’aide de Lisi-LM, évaluateur de lisibilité de Leclercq et Mazziotta [32]. Ces formulaires ont été conçus par l’équipe de chercheurs · ses et co-chercheurs · ses. Des personnes adultes autistes ont en effet été intégrées dans la recherche, en tant que co-chercheurs · ses à l’étude, à partir du postulat que « la participation des acteurs communautaires à l’impulsion de l’étude, la « maturité » de la communauté […] sont des facilitateurs à la mise en place d’un programme futur » [33].
Plutôt que de supposer que certaines personnes autistes n’avaient pas la capacité de consentir à la recherche, et afin d’évaluer et faciliter le consentement éclairé, nous nous sommes appuyés sur la démarche et le questionnaire de l’étude de Horner-Johnson et Bailey [34]. Ainsi, la compréhension du formulaire d’information était évaluée par les animateurs · trices des GEM auprès de chaque participant · e potentiel · le. Si aucune réponse n’était fournie à aucune des questions après deux tentatives, il n’était pas possible de participer à l’étude. Les questions étaient les suivantes :
S’il vous plaît, dites-moi, avec vos mots, quel est le sujet de cette étude ? ;
Que ferez-vous si vous participez à cette étude ? ;
Quels sont les risques possibles de participer à cette étude ? ;
Quand je dis que votre participation est parfaitement volontaire, qu’est-ce que cela signifie pour vous ? ;
Quand je dis que vos réponses resteront confidentielles, qu’est-ce que cela signifie pour vous ? ;
Que pouvez-vous faire si vous commencez l’étude mais ne souhaitez pas la terminer ?
Les adhérent · e · s volontaires pouvaient remplir le formulaire de consentement avec l’aide des représentant · e · s des GEM. L’équipe de chercheurs · ses et co/chercheurs · ses restait à disposition des GEM Autisme tout au long du recrutement afin de répondre à leurs questions.
3.5 Outils de l’étude
L’étude a été conduite en utilisant une démarche s’appuyant sur les lignes directrices fondées sur la pratique de l’AASPIRE (Academic Autism Spectrum Partnership In Research and Education) pour l’inclusion d’adultes autistes dans la recherche collaborative. La maximisation de l’autonomie et de l’inclusion, la formulation d’un consentement accessible, la facilitation de la participation, l’adaptation des instruments d’enquête pour une utilisation auprès des adultes autistes, et la création d’un guide d’entretien qualitatif accessible, ont notamment été au cœur de notre démarche [35]. Le guide a été conçu en s’appuyant sur l’étude de Pellicano et al. relative aux dix capabilités centrales de Nussbaum et leur pertinence pour la recherche sur les adultes autistes [16]. Quatre questions ouvertes se rapportant aux capabilités centrales ont été posées à chaque groupe de participant · e · s afin d’explorer leurs besoins en santé :
« Quelle importance donnez-vous à ces activités ? » permet d’explorer leur vécu actuel et leurs représentations quant à chaque capabilité, et d’établir ainsi leurs priorités en santé ;
« Quels obstacles ou difficultés rencontrez-vous dans la vie de tous les jours pour réaliser ces activités ? » permet d’explorer les besoins non satisfaits ou partiellement satisfaits ainsi que l’origine des empêchements aux différentes capabilités ;
« Selon vous qu’est-ce qui pourrait vous aider à réaliser (faire) ces activités ? » permet aux participant · e · s de s’interroger sur leurs attentes (sociétales, politiques, économiques et éducatives) en matière de santé ;
« Si vous aviez « une baguette magique », que feriez-vous apparaître pour pouvoir faire ces activités ? » permet de faire émerger des participant · e · s d’éventuelles pratiques innovantes relatives au parcours de vie de la communauté autiste.
Les activités des groupes de discussion ont été conçues de manière que les personnes non oralisantes et/ou celles ayant différents degrés d’oralité puissent participer pleinement : petits groupes, temps de pause, affichage des questions, support visuel individuel des capabilités centrales, laps de temps suffisant pour répondre, libre choix des modalités de réponse (orales, écrites, à l’aide d’échelle d’importance). La rédaction des capabilités (Tab. 1) a été adaptée d’une étude existante sur la prise en compte des besoins de personnes en situation de handicap [36]. Afin de faciliter la compréhension, les capabilités ont été regroupées selon les 4 macro-dimensions développées par Perdomo et al. [37] : corps, esprit, relations, contrôle.
3.6 Analyse des données
Les enregistrements des focus groups ont été intégralement retranscrits pour l’analyse. L’ensemble du corpus a fait l’objet d’une lecture approfondie et a été analysé à l’aide du logiciel ATLAS.ti selon une analyse thématique continue en s’appuyant sur la méthodologie de Baribeau [30]. L’analyse s’est centrée sur le vécu et les représentations des participant · e · s au regard des capabilités centrales de Nussbaum. Le recours des participant · e · s pour valider le travail d’analyse a permis d’assurer une triangulation « écologique » [31].
4 Résultats
4.1 Caractérisation des participant · e · s
Quatre GEM Autisme sur cinq ont montré un intérêt dans cette recherche. Tous les participant · e · s ont fait preuve d’une compréhension suffisante pour donner leur propre consentement. Les adhérent · e · s volontaires ont participé à des focus group au cours des mois de mars et avril 2024. Ces focus groups, d’une durée moyenne de 3 heures, ont été filmés et enregistrés. Trois focus groups ont été réalisés auprès de 21 adhérents. La saturation théorique est survenue au cours du troisième focus group.
Le Tableau 2 indique les caractéristiques des participant · e · s. Ils · elles avaient en moyenne 40 ans (19–71). Presque la majorité avait un diagnostic formel d’autisme (19/21). Près de la moitié vivait seul · e (10/21) et était sans emploi (10/21) : 2 sur 21 participant · e · s travaillaient en milieu protégé et 4 sur 21 en milieu ordinaire.
4.2 Besoins et attentes exprimés
Le Tableau 3 présente la grille d’analyse thématique des focus groups.
Sept thèmes dont découlent l’identification de besoins éducatifs, ont ainsi émergé des focus groups.
4.2.1 Construction identitaire : se connaître, s’accepter et être accepté · e, être considéré · e
Ce thème a été abordé par la majorité des participant · e · s (20/21), le plus souvent en termes de questionnement identitaire relatif au diagnostic d’autisme. Même si certain · e · s ont pu vivre le diagnostic comme un soulagement, notamment pour la meilleure compréhension de leur entourage que cela leur a apporté, comme l’exprime l’un d’entre eux · elles « (…) maintenant ils le savent et ils ne vont plus se vexer parce qu’ils se disent qu’il y a une raison objective », nombre d’entre eux · elles rencontrent une certaine souffrance identitaire. Différentes raisons ont été exprimées pour expliquer cette souffrance :
les heurts qu’ils · elles peuvent rencontrer avec des professionnel · le · s de santé, qui, par méconnaissance ou inexpérience, nient le diagnostic posé par un · e confrère · soeur : « (…) je lui dis, j’en sais rien, j’ai un TSA. Il me dit alors ça non, moi quand je viens chercher un patient dans la salle d’attente, je le vois, je sais s’il a un TSA ou pas » ;
les difficultés d’acceptation de leur entourage : « (…) je vois dans ma famille, mais c’est horrible… pour pouvoir leur parler, (…) ce n’est pas possible, ils sont hermétiques », « (…) dans ma famille on me dit, sauf ma mère, mais tous les autres disent « ton truc », (…) ils ne diront jamais le mot « trouble autistique » ou TSA, c’est « ton truc »… » ;
le sentiment d’imposture quant à leur situation de handicap vis-à-vis des autres : « (…) comme l’autisme est invisible beaucoup de personnes ne comprennent pas nos limites et besoins, même si on leur explique. Résultat : on est souvent jugé comme paresseux ou égoïstes » ;
la peur du regard des autres : « la majorité des gens que je connais ne le savent pas, donc, c’est un peu compliqué, parce que j’ose pas leur dire, parce qu’après, si je leur dis, ils vont me traiter différemment (…) » ;
l’embarras rencontré quant au dévoilement de l’autisme : « (...) je suis autiste léger, je suis autiste… je ne sais pas comment le dire », « moi je parle pas de mon autisme (…) », « je n’ai jamais vraiment parlé de mon TSA parce qu’on ne sait pas s’il faut en parler, s’il ne faut pas en parler (…) ».
Certain · e · s participant · e · s (5/21) ont pu exprimer des perceptions négatives d’eux · elles-mêmes liées à la non-conformité avec les attentes sociales : « je suis dans une situation où, en fait, je ne travaille plus (…) on a estimé que j’en étais plus capable (…), de ne plus travailler, je ne me sens pas normal (…) je me sens parasite ». Pour autant une majorité des participant · e · s sont en accord avec eux · elles-mêmes : « je m’aime comme je suis » ; « non, je ne serais pas moi si je n’étais pas autiste », « je suis contente d’être moi, mais je ne suis pas contente de la société dans laquelle je vis... ».
Des participant · e · s ont fait part de leur questionnement identitaire : « (…) la question que je me suis très, très souvent posée, avant, pendant…, et après mon diagnostic, dans mes particularités, (…) qu’est-ce qui vient de l’éducation, qu’est-ce qui vient d’autre chose ? (…) par rapport à la légitimité, je me suis souvent demandée, est-ce que je suis vraiment autiste ? », « c’est multifactoriel, parce qu’il y a une part d’autisme, il y a une part d’éducation, il y a une part de personnalité, il y a une part d’environnement… Donc qu’est-ce qui prédomine là-dedans ? ».
Deux besoins liés à la construction identitaire ont émergé : le besoin de considération et d’acceptation d’autrui. La plupart des participant · e · s ont exprimé la nécessité d’être respecté · e · s et accepté · e · s tel qu’ils · elles sont, « en tant que personne sans être forcément marqué au fer rouge ». Ils · elles souhaitent être considéré · e · s au même titre que « Monsieur et Madame Tout-le-Monde ».
La connaissance de soi est une préoccupation importante pour eux · elles, tant pour connaître leurs limites et savoir s’isoler pour se ressourcer, que pour pouvoir expliquer leur fonctionnement à leur entourage : « le problème c’est qu’on n’est pas toujours en mesure soi-même de se dire « bah ça je peux le faire jusqu’à ce stade, ça je peux pas le faire » (…) comment je l’explique si déjà j’arrive pas à l’expliquer moi-même… ».
Leurs attentes sont « de mieux se comprendre, (…) d’apprendre justement à maîtriser ce fonctionnement, (…) d’apprendre à connaître ses limites », « pour ensuite éventuellement expliquer ou pas aux autres (…) ».
4.2.2 Être en santé : prendre soin de soi selon sa normativité, en étant accompagné, se préserver de toute atteinte à l’intégrité corporelle
La signification de la santé a été abordée par tous les participant · e · s (21/21). Pour la majorité d’entre eux · elles (19/21), la qualité de vie n’est pas déterminée par une vie longue, mais par le fait de « (…) rester très actif, ne pas être dépendant (…) physiquement » et « de la médecine », « en étant épanoui », « libre de pouvoir continuer à penser », « d’être bien dans ses baskets et de ne pas avoir de maladies ». Certain · e · s (2/21) ont évoqué le souhait « d’être centenaire » voire « immortel », ce désir étant lié avec la peur exprimée de mourir. Cette peur de la mort, partagée par la moitié des participant · e · s, a été justifiée par la peur de mourir « dans des mauvaises conditions », d’être « grabataire » et de ne pas savoir « ce qu’il se passe après ».
Une grande partie s’est exprimée sur l’intégrité corporelle (19/21). Tous · tes se sont accordé · e · s sur l’essentialité d’être protégé · e · s de tout type de violence. Certains d’entre eux · elles (4/21) ont souligné le besoin d’être éduqué · e · s, de savoir ce qui est « bien » et « pas bien » : « on sait rien en fait si on n’a rien connu d’autre (…) on peut se dire comme toi tu disais, « la violence, c’est la normalité », t’avais connu que ça », d’apprendre « à mettre des limites », à l’aide d’outils spécifiques comme « le violentomètre », « en lisant des retours d’expériences », ou avec « des règles » comportementales.
Certain · e · s ont témoigné « du tabou de notre société » quant à la sexualité des personnes en situation de handicap : « j’étais vraiment de la génération où « t’es handicapé ? Ben t’auras pas de petit copain ! », cette participante ayant confié avoir « milité pour le droit à la prostitution thérapeutique ». Ils · elles ont souligné l’importance que la vie sexuelle « soit encadrée » afin d’éviter « les abus », même si pour la majorité d’entre eux · elles elle n’est pas primordiale, mais plutôt « facultative ». Une de leurs attentes est la considération de la vie sexuelle dans le champ du handicap : « on devrait plus en parler, ça devrait être plus pris en compte pour les personnes en situation de handicap qui n’ont vraiment pas les moyens de s’exprimer là-dessus ».
La vie affective occupe une place importante pour tous · tes. Une partie d’entre eux · elles l’a · associée plutôt à l’affection des animaux, « avoir une vie affective, je le mettrai juste en relation avec la nature (…) et les animaux en particulier, (…) pas avec les gens », ainsi qu’à celle vécue par l’entourage familial, « moi la vie affective, c’est vraiment pour moi la famille ». L’autre partie des participant · e · s a mis en avant le fait qu’il était « crucial de savoir aimer et être aimé ». Certains ont témoigné que leurs particularités sensorielles pouvaient les freiner dans la vie affective, notamment au niveau du toucher, et ont partagé quelques stratégies développées : « moi, mon compagnon, des fois je lui dis, aujourd’hui je préfère que tu me touches pas, parce que si on me touche, ça me fait mal », « on avait mis en place des codes (…), quand là je dis ce mot-là, hop, c’est que le verre d’eau est plein, et il fallait arrêter ». Quelques un · e · s ont confié s’être auto-éduqué · e · s à travers « des exemples » télévisés : « ce qui m’a beaucoup aidé (…) c’est la série, là, sur l’autisme et l’amour ». Leurs attentes concernant la vie sexuelle et affective sont la possibilité d’avoir à disposition « des lieux où l’on puisse s’informer, (…) accessibles », « des groupes de discussion » avec des pair · e · s « du même âge ».
Le besoin de prendre soin de soi a été évoqué par les participant · e · s qui ont estimé, pour la majorité, qu’être en santé était primordial. Leurs témoignages ont montré que cette notion de prendre soin de soi était pour certain · e · s « floue », et pour d’autres, pouvait générer une frustration voire même un agacement : « j’ai l’impression de tout faire bien pour prendre soin de moi, et pourtant », « c’est des phrases un peu toutes faites », « on voudrait être mieux, être en meilleure forme, être moins fatigué, moins anxieux… on fait tout ce qu’on peut, et malgré tout bah, ça rate une fois sur deux, ce n’est pas toujours au top, et je trouve que c’est... (…) il y a un peu cette injonction… ». Une partie d’entre eux · elles ont exprimé qu’ils · elles avaient conscience de ne pas s’occuper assez d’eux · elles, et qu’il était notamment difficile de s’alimenter : « le problème c’est que quand tu ressens pas la faim, tu fais comment pour te nourrir à ta faim ? », « la diversité des nourritures que je peux manger, ça varie selon mon état de stress, (…) par exemple quand je suis très stressée, je pourrais manger que des gyozas surgelés, il y a que ça qui passe, (…) ça devient difficile d’avoir une alimentation équilibrée ». Le besoin exprimé concernant la capabilité de se nourrir a été de « trouver » un · e professionnel · le de la santé qui n’émette pas de jugement, « aucune critique » sur ce qu’ils · elles mangent, et qui tienne compte notamment « des troubles de l’oralité » alimentaire.
4.2.3 Parcours de soins : bénéficier d’un parcours coordonné, adapté et soutenant
Recevoir des soins en cas de besoin est considéré comme « un besoin primaire » et est important pour une grande partie des participants (17/21). Leurs témoignages ont montré de multiples obstacles au sein de leur parcours de soins :
le manque de coordination, de suivi et de continuité entre les différents intervenants : « à chaque fois tu repars de zéro, il faut tout le temps que tu réexpliques ton histoire », « on avait fait la demande pour l’AAH pour une aide financière (…) on devait voir un médiateur pour savoir si j’étais éligible ou pas à l’avoir, (…) ce qui m’a choqué, c’est qu’il n’a pas accès au dossier médical (…) il se demandait qu’est-ce que je faisais là, parce que j’étais d’apparence normale (…) j’aurais un bras en moins, une jambe en moins, là, ce serait plus visible… et donc au lieu de se défendre pour savoir si j’étais éligible ou pas (…) on a dû passer la séance à lui expliquer ce que c’était le TSA » ;
le manque de professionnels spécialisés : « déjà quand on suppose qu’on est TSA, on a un mal fou à se faire diagnostiquer (…) », « la grande difficulté, c’est de trouver un professionnel quoi ! » ;
le manque d’adaptation de l’environnement de soins à leur fonctionnement, relatif à leur anxiété « aller au médecin c’est compliqué (…), je ne vais jamais au médecin seule », à leur tolérance à l’attente « si tu as mentalisé en te disant je vais chez le médecin (…), j’ai pris le rendez-vous, je suis le premier puisqu’il ouvre à 14h, et il te prend pas, tout ce que tu as mis en place là, tout s’effondre », à leur sensorialité « déjà, j’aime pas être touchée » (Louise), à leur expression « si tu viens juste en disant docteur, j’ai mal (…), j’ai mal veut bien dire j’ai mal, c’est pas parce que je ne l’exprime pas, que ça n’existe pas, donc c’est ça ce décalage ».
Les participant · e · s ont exprimé le souhait de bénéficier « d’un accompagnement global », « holistique » : « une palette de professionnels » à disposition, « il faudrait avoir un médecin (…), un kiné en même temps, un osthéo… ». Selon cette dernière, les professionnel · le · s de santé spécialisé · e · s dans l’autisme devraient être « facilement identifiables » : « aujourd’hui, on sait même pas à qui s’adresser, parce qu’on sait qu’on va avoir des difficultés à se faire comprendre (…) mais on sait pas vers qui aller ». Un autre participant · e a évoqué la possibilité d’« apprendre » à gérer les situations d’attente chez le médecin. Plusieurs d’entre eux · elles ont émis la nécessité de « faciliter l’administration », « que les données soient centralisées », certain · e · s s’étant interrogé · e · s sur le renouvellement récurrent de leur dossier MDPH alors qu’ils · elles étaient autistes à vie : « ce que je comprends pas, c’est devoir le refaire dans 4 ou 5 ans : et là, c’est pas parti mon autisme ! ».
Les besoins prédominants exprimés concernant le parcours de soins sont la coordination globale du parcours en termes de soins, administratif, et juridique (droits MDPH), ainsi que l’adaptation de l’environnement de soins à leur neurodiversité.
4.2.4 Relation avec les soignant · e · s : être compris · e et écouté · e, rencontrer des professionnel · le · s impliqué · e · s
La quasi-totalité des participant · e · s (19/21) ont témoigné de difficultés relationnelles avec les soignant · e · s. Divers motifs ont été évoqués pour justifier ces difficultés rencontrées :
une mauvaise communication avec les soignant · e · s : « c’est comme deux fréquences d’une radio, si on n’a pas la bonne fréquence, on ne capte pas (…), il faut vraiment le mettre dans les deux sens, dans les deux perspectives où nous (…) on peut passer à côté de choses vraiment graves et importantes, mais les médecins aussi » ;
une méconnaissance et inexpérience des professionnel · le · s vis-à-vis du fonctionnement autistique : « moi les médecins quand je suis arrivée aux urgences m’ont fait « pourquoi vous n’êtes pas arrivée avant ? », bah en fait je n’avais pas compris qu’il fallait que j’aille aux urgences, je ne savais pas que c’était urgent » ;
un fort manque d’écoute : « ah bah moi mon médecin, il m’écoute pas du tout ! (…) j’étais bien malade et je n’ai pas du tout été entendue. Je suis retournée la semaine d’après parce que ça s’est vraiment aggravé. Et j’ai dit, là, maintenant, vous me donnez quelque chose ou je saute par la fenêtre, quoi. J’ai dit, il faut que je fasse quoi ? Enfin, j’ai vraiment… C’est ridicule, mais il fallait…exprimer la souffrance » ;
des injustices épistémiques : « moi mon médecin, elle est au courant que je suis autiste (…). Depuis des semaines (…) j’en peux plus, allez, j’appelle (…), je lui dis : « je vis une grosse, grosse période de stress et tout, quoi… Je dors plus, je ne mange plus, j’ai crise sur crise », elle me regarde et elle me dit : « mais non, vous allez bien, vous allez rebondir ! » Je dis, bon, d’accord… » ;
un manque de connaissances sur l’autisme : « je pense qu’ils n’ont pas de formation », « c’est vraiment difficile de trouver quelqu’un, qui connaisse nos besoins, qui sache comment on fonctionne, mais pour qu’ils puissent identifier, il faut qu’ils connaissent » ;
un manque d’implication : « je lui ai montré des analyses qu’on m’avait faites justement par rapport aux douleurs que je pouvais avoir, effectivement, j’ai pas (…) des problématiques physiques énormes, mais quand il a lu le compte-rendu vite fait, il a dit « oh, ça va hein, ils ne vous ont pas proposé de corset ! » Non mais ça n’empêche que j’ai quelquechose, qu’il faut continuer à creuser, et dites-moi là où est-ce qu’on peut creuser un peu plus ?! ».
Quelques participant · e · s ont confié renoncer aux soins « il va pas comprendre, du coup, je me dis pourquoi j’y vais », s’automédiquer (1/21) ou encore développer de la défiance envers les soignant · e · s (7/21) « je ne fais plus trop confiance aux professionnels ». Cependant, plusieurs d’entre eux · elles ont souligné avoir reçu des conseils de certains professionnel · le · s pour mieux exprimer leur souffrance à leur médecin. L’une a été ainsi conseillée par une psychologue spécialisée : « elle m’avait imitée en train d’expliquer ce que j’avais, elle m’avait dit : « Vous voyez, là, on dirait pas que vous avez mal, en fait, il faut exagérer ». D’autres ont témoigné de réelles prises en compte de leur fonctionnement autistique par certains professionnel · le · s de santé (3/21) « j’avais une dentiste qui expliquait tout ce qu’elle faisait (…) c’était plus simple, je suis plus dans la peur, je comprends ce qui se passe », « j’ai trouvé une diététicienne, récemment, qui a tenu compte de ça, des troubles de l’oralité ».
Face à leurs besoins d’écoute, de compréhension et d’implication, la majorité des participant · e · s ont exprimé être en attente de « sensibilisation » et de formation à l’autisme des professionnel · le · s de santé. Selon eux · elles, les soignant · e · s doivent apprendre à s’adapter au fonctionnement autistique « on nous dit toujours à nous de traverser les ponts, mais traverser un pont, c’est ce qu’on peut faire dans les deux sens », « si on se comprend pas (…) pourquoi c’est moi qui dois apprendre tout le temps ? (…) Pourquoi est-ce qu’il n’y a jamais des apprentissages aussi pour eux ? ». Un des participant · e · s a d’ailleurs confié avoir partagé des savoirs expérientiels avec des professionnel · le · s spécialisé · e · s : « (…) quand je suis allé passer mes diagnostics (…) à un moment donné je leur ai expliqué le contexte d’un test. Je leur ai dit « c’est juste pas possible ce que vous faites… vous n’avez pas d’autiste en interne, donc ce que vous proposez en fait au public que vous recevez est inadéquat ». (…) Ils me reçoivent dans une pièce, je suis face à la fenêtre avec une clim au-dessus qui fait du bruit, et du passage dehors derrière la fenêtre… (…) En sortant, je leur ai dit « mais vous vous rendez compte de ce que vous m’avez imposé, l’accueil était super, petit café, etc. mais après vous me mettez face..., c’est à vous de vous mettre face à la fenêtre ».
4.2.5 Gérer sa vie : pouvoir être autonome au sein d’un environnement capacitant
Pouvoir gérer sa vie en étant autonome est « essentiel » pour la quasi-totalité des participant · e · s (20/21) : « à mon âge être encore chez mes parents, avoir une autonomie, c’est quand même très important ». Ce besoin d’autonomie est exprimé à travers diverses dimensions :
pouvoir se déplacer librement : cette liberté est « vitale » et « essentielle » (20/21) « que ça soit au niveau professionnel, que ce soit pour faire les courses, pour tout ce qui est de la vie quotidienne, et aussi pour se déplacer à n’importe quelle heure, à n’importe quel endroit » ;
être autonome financièrement : l’autonomie financière est « plutôt importante » (19/21) même si cela peut être difficile d’y accéder comme l’a confié une participant · e « c’est important pour moi, même si bah dans l’état actuel, c’est impossible », ou difficile à assumer comme en a témoigné une autre « c’est très important (…) et c’est très angoissant de gérer » ;
décider de ses activités quotidiennes et de son avenir : cette prise de décision est primordiale (17/21), une grande partie des participant · e · s ayant exprimé ne pas vouloir « que ce soit quelqu’un qui décide » à leur place, même si certain · e · s ont reconnu que « de décider de ses activités, d’être autonome (…) ça inclut beaucoup de charge mentale » ;
réfléchir à ses choix de vie : « c’est important d’avoir ses propres choix de vie » pour une majeure partie des participant · e · s (16/21), et comme l’a souligné l’un · d’entre eux · elles : « le fait de pouvoir exprimer son choix de vie, c’est affirmer le fait d’être un sujet de droits, ça aussi c’est très important » ;
vivre dans un endroit désiré : le besoin de logement autonome a été ressenti auprès de la majorité (20/21), l’une d’entre eux · elles ayant confié « je suis sous tutelle de mes parents (…), si je pouvais vivre dans un endroit désiré, je vivrais toute seule ». Certain · e · s, en faisant référence aux personnes autistes institutionalisées, ont souligné l’injustice de leur situation « je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas avoir le droit petit à petit d’avoir un appartement, s’ils se font aider », et ont mis en avant « qu’on n’est pas libre quand on dépend des institutions » ;
assouvir ses passions : ce besoin fait partie intégrante de la vie de tous les participant · e · s (21/21), et est considéré comme « vital ». Certain · e · s ont dévoilé gérer leur vie afin d’avoir « le plus de temps possible et les capacités possibles » pour le faire. Les passions décrites sont souvent multiples chez un · e même participant · e et assez éclectiques : « l’histoire », « la musique », le rangement, « les excavatrices », « les voyages », « la cuisine », « les jeux vidéo »... ;
travailler : pouvoir travailler est « primordial » pour une partie des participant · e · s (10/21) pour qui le travail renvoie à la possibilité « d’être autonome financièrement » et « d’avoir un minimum de vie sociale ». Pour d’autres, le travail est considéré comme « une contrainte », une obligation sociétale par laquelle « si tu ne travailles pas, tu ne vis pas, tu crèves à petit feu », voire même pour un participant, comme de « l’esclavage moderne sans aucun intérêt si ce n’est avoir son autonomie financière ». Pour beaucoup, l’activité exercée prime sur le contexte social du travail, ils · elles ont ainsi exprimé venir « pour travailler au travail », et non de s’intéresser aux autres, de « ce qu’ils ont fait le week-end ». « Le travail en lui-même n’est pas un obstacle » pour la quasi-totalité d’entre eux · elles, mais ils · elles ont reconnu que certaines de leurs particularités en termes de sensorialité, « fatigabilité », « stress », « concentration », « temps d’adaptation » étaient des freins à l’employabilité. Certain · e · s ont exprimé ne pas avoir « forcément » leur place dans « le monde du travail », de ne pas être « dans la liste des chasseurs de tête ». Pour nombre d’entre eux · elles, l’environnement de travail inadapté à leur fonctionnement est un « obstacle », dont la source est « la méconnaissance » de l’autisme.
Une partie des participant · e · s a exprimé le besoin de soutien à l’autonomie dans :
la gestion de la vie quotidienne, notamment « dans les démarches administratives » : « heureusement que j’ai une curatrice, parce que sinon, sans ça, je pense qu’il m’arriverait quelquechose » ;
la réflexion et l’exécution de leurs choix de vie : « j’aurais préféré qu’une personne me donne des indices mais qu’elle ne réfléchisse surtout pas à ma place », « quelqu’un qui oriente sur comment faire les choses, étape par étape, (…) un mentor qui permettrait aussi de prendre par les mains et de montrer comment faire certaines choses ».
Le besoin d’un environnement capacitant dans toutes les sphères de la vie quotidienne est la préoccupation majeure pour les participant · e · s. À l’instar du concept « Autism friendly » réservé à la sphère universitaire, ils · elles attendent la mise en place d’adaptations spécifiques au travail, dans « les magasins », « les restaurants » et les lieux de santé. Pour eux · elles, ces adaptations consistant par exemple à « tamiser la lumière », instaurer des créneaux « silencieux », communiquer « des consignes » claires, accéder à des horaires aménagés, seraient bénéfiques également aux personnes « neurotypiques » qui peuvent rencontrer la même gêne. Beaucoup ont exprimé une injustice face à ces « conditions » qui leur « sont imposées » et le souhait que ce soit également « aux gens de s’adapter ». Certain · e · s ont confié leur incompréhension face à la non prise en compte de leurs « différences » : « je sais que je vis dans un monde où je suis minoritaire », (…) ce qui me gêne, c’est tout ce qui est facile à mettre en œuvre, (…) pourquoi tout ça n’est pas mis en place ? (…) par exemple, que j’ai pas envie d’aller prendre un café, faire du macramé en réunion de cohésion, de groupe, que je sois dans une pièce à part (…) ça va pas faire couler l’entreprise, (…) la seule chose qui me plairait, c’est qu’on m’impose pas des choses inutiles, y compris pour les autres ». L’un des participant · e · s a mis en avant la nécessité d’« apprendre à se protéger soi-même », « de connaître ses droits » et de « faciliter l’apprentissage » de ces droits aux personnes en situation de handicap.
Le besoin de sensibilisation découle de ces difficultés et attentes exprimées comme en a témoigné une autre : « on en revient à l’importance de la sensibilisation en masse, autant auprès du grand public que des institutions ».
4.2.6 Interactions sociales : être compris des autres, pouvoir communiquer au sein d’un environnement favorable
La quasi-totalité des participant · e · s ont échangé sur la place des interactions sociales (20/21). Leurs témoignages ont mis en avant le besoin prépondérant d’interactions avec :
la nature et les animaux (19/21) : pour beaucoup cette relation particulière, « de bonheur intense », d’« osmose » est considérée comme plus « vitale » que celle avec autrui. De nombreux participant · e · s ont exprimé le rapport particulier qu’ils entretiennent avec les animaux (16/21) : « c’est une relation où au niveau de la communication c’est beaucoup plus simple », « ils nous jugent pas, (…) c’est authentique », « quand on a pas envie de parler, ils ne vont pas s’en vexer (…) ils ressentent les émotions sans qu’on ait besoin de leur dire », « c’est le seul moment où t’es en bonheur total, chaque cellule de ton corps, il y a des paillettes dedans » ;
autrui (18/21). La plupart des participant · e · s ont cette « envie », ce « besoin » « d’être en connexion avec les autres », un certain nombre ayant confié leur peur de la solitude (7/21). Certain · e · s ont témoigné d’une grande « appétence » pour les interactions sociales. Ils ont exprimé apprécier le contact avec autrui surtout pour l’un d’entre eux · elles « quand il y a certains intérêts qui sont partagés », ce même participant ayant conscience « qu’on apprend des choses quand on fréquente les autres ». A contrario, l’un d’entre eux · elles a témoigné n’avoir « aucune appétence particulière » pour vivre et communiquer avec les autres, en confiant que c’était « souvent un échec, une douleur, une souffrance ». Ne pas être compris « par tout le monde », même de ses « pairs » pour certain · e · s, est ressenti comme « une frustration » et « une souffrance ». Le besoin d’interactions sociales est ouvertement questionné par l’une des participant · e · s : « j’ai juste une question que je me pose à moi-même (…) je pense que j’en ai pas besoin mais on est une espèce sociale en fait à la base, et depuis quelque temps je me demande est-ce parce que je le vis mal, j’y arrive pas que j’ai fait une croix dessus (…) ou est-ce que j’en ai quand même besoin ? ».
Ce besoin d’interactions sociales est freiné voire empêché par deux obstacles majeurs. La première barrière exprimée par une grande partie des participant · e · s (16/21) est la différence du mode d’interaction avec les personnes neurotypiques, avec qui ils · elles ont « du mal à se connecter » étant « sur deux zones différentes » de communication. Certain · e · s d’entre eux · elles ont témoigné de souffrance et de fatalisme quant à cette difficulté qui leur semble « insoluble », et qui est d’autant plus contraignante, comme l’a souligné l’une d’eux · elles, qu’ils · elles sont « obligés de s’adapter » au fonctionnement des personnes neurotypiques, ces dernières étant « plus nombreuses ». Or, certain · e · s ont exprimé trouver ce fonctionnement « aberrant ». La quasi-totalité des participant · e · s ont justifié cette souffrance dans le fait d’être contraint à un système interactionnel qui n’est pas le leur :
« Bah les obstacles, on va dire, aux liens sociaux, c’est juste de ne pas toujours tout comprendre. Moi, par exemple, là, maintenant, quand il y a des gens que je vois, des anciens collègues et j’aurais très envie d’aller leur parler, mais je le fais pas, parce que je pense que je vais les assaillir, leur poser plein de questions, leur dire plein de trucs qui ne les intéressent pas » ;
« si on parle du relationnel, effectivement, moi, personnellement, c’est vrai que je m’oblige un peu par code social » ;
« il y a des relations, des contacts que je vais éviter, parce que je vais pas savoir les arrêter et je vais me retrouver comme emprisonnée, en fait, envahie, parce que je vais pas être en mesure de dire stop, il faut que je m’en aille » ;
« remettre une invitation qu’on a eue, faire la même chose, mais moi, je n’ai pas envie en fait ».
Le second obstacle aux interactions sociales cité par la majorité des participant · e · s (29/21), tient à leurs particularités sensorielles et d’expression émotionnelle :
« avant j’étais invité à des fêtes et j’aimais pas parce qu’il y avait trop de monde, trop de bruit, trop de choses, mais je me forçais quand même de peur de vexer en me disant (...) si j’y vais pas, (…) je vais perdre mes amis » ;
« moi il y a des endroits où je ne vais pas parce que je sais qu’il y a trop d’odeurs, je ne peux pas… il y a trop de bruit, ou alors quand j’y vais, je mets mes lunettes de soleil, je garde mes écouteurs, mon casque (…). Mais bon, c’est stressant… est-ce que j’ai bien mes affaires pour pouvoir supporter tout ça ? Est-ce que je vais pouvoir m’en aller ou m’échapper ? » ;
« la capacité à m’exprimer, à exprimer ce que je ressens (…) c’est très compliqué pour moi » ;
« mal comprendre ce qu’on exprime, (…) on parlait des émotions, c’est pas parce qu’on n’en montre pas quand on n’en a pas, et c’est ça, le truc, c’est que les gens ne jugent que par ce qu’ils voient, or on n’exprime pas les choses de la même manière, c’est tout » ;
« (…) parce qu’on les ressent les émotions mais c’est qu’est-ce qu’on en fait ? ».
Pour la majeure partie des participant · e · s, communiquer avec des pair · e · s, avec qui « il n’y a pas de filtre » et où « il n’y a pas besoin de faire semblant », leur permet de « se lâcher », de « relâcher toutes les stratégies » mises en place, de pouvoir « se balancer », d’être libre de ne pas « regarder dans les yeux », d’être « vrai ».
Leurs attentes en matière d’interactions sociales sont d’être soutenu · e · s par « quelqu’un » qui pourrait les « aider », les conseiller pour résoudre certaines situations de communication où ils · elles peuvent être en difficulté. Une participante a émis l’importance de développer des stratégies de communication avec son entourage, en prenant pour exemple une stratégie mise en place avec ses proches : « moi quand j’ai pas envie de parler, je mets ma capuche, là, mes proches savent que je ne suis pas en capacité de parler ». Certain · e · s ont évoqué le souhait d’« apprendre » à « identifier » les émotions, à les gérer.
Les besoins perçus concernant les interactions sont principalement le soutien à l’expression, la compréhension d’autrui, la mise en place d’adaptations sensorielles spécifiques.
4.2.7 Démocratisation de l’autisme : sensibiliser et éduquer la société à la neurodiversité
La médiatisation de l’autisme a été abordée par une majeure partie des participant · e · s (19/21). Beaucoup d’entre eux · elles ont le sentiment que « ce qui circule comme information en termes d’autisme » n’est « pas très au point ». Selon eux · elles, les médias, en particulier la télévision, véhiculent une image très caricaturale des personnes autistes, que ce soit dans « les séries » ou bien dans « les films ». « Certaines émissions » ne mettent en lumière que « le côté positif » de l’autisme en présentant par exemple des « personnalités autistes » uniquement sous l’angle de « singes savants », ou alors au contraire, ne présentent que l’aspect « complètement négatif ». Ils · elles ont exprimé regretter la non médiatisation des « 95 % » de personnes autistes « noyées dans la masse », dont ils · elles font partie. Pour eux · elles, le fait de « mal surcommuniquer » sur le sujet entraîne « des clichés », voire des effets de « mode » comme l’a exprimé l’une d’entre eux · elles, « où les gens veulent se faire diagnostiquer autiste (…) comme s’il y avait une espèce de plus-value ». Les participant · e · s ont déploré voir « les gens » entretenir des « préjugés » sur les personnes autistes. Leurs témoignages ont mis en avant que ces mêmes préjugés mènent à des comportements discriminatoires. Certain · e · s ont souligné des faits de « signalements » abusifs de mères autistes. Une participante ayant vécu une telle situation a confié : « il y a des endroits où c’est dangereux de dire qu’on est autiste (…), à l’école de tes enfants, ou des endroits où on va estimer que tu n’es pas apte à t’occuper de tes enfants, (…) c’est parfaitement désagréable, dangereux et injuste. Moi je suis partie du fait de fuir toute relation, toute interaction potentielle, ça évite aussi de se retrouver dans des conditions comme ça, où c’est juste ingérable, parce que déjà ça n’aurait pas dû arriver ».
Plusieurs participant · e · s ont exprimé leur engagement dans la démocratisation de l’autisme. Cet engagement est « important » pour eux · elles, même si certain · e · s ont reconnu qu’ils devaient faire face à de nombreux « obstacles », l’un ayant confié « avoir beaucoup bataillé » et s’être résigné à « baisser les bras ». Une autre participante au contraire a exprimé « je ne serai pas tranquille si je n’ai pas amené au moins ce que je pouvais ». Ainsi, certain · e · s ont témoigné s’engager notamment au sein de GEM Autisme, en tant que « co-administrateurs », en reconnaissant l’importance et la fierté « de prendre les décisions en collectivité tous ensemble ». À travers leurs GEM, ils · elles essaient « de sensibiliser les supermarchés, les commerces et le grand public » à l’autisme, et également des professionnel · le · s de santé. Une participante a confié « on a tellement de choses à dire, à partager ». La quasi-totalité des participant · e · s (20/21) ont exprimé la nécessité de sensibiliser « les professionnels », « les institutions », « le grand public » à l’autisme, afin « qu’ils soient informés et qu’ils aient le comportement approprié ». Selon eux · elles, « il y a beaucoup de retard » et les gens « ne sont pas assez sensibilisés ». Ils · elles attendent que les professionnel · le · s soient formés aux niveaux de la santé, de « l’éducation » et de l’administration. Certain · e · s ont reconnu que « la notion d’inclusion » était récente et qu’il était difficile pour « les gens d’imaginer une autre façon de fonctionner ». Une partie d’entre eux · elles ont exprimé le besoin d’éduquer la société à la neurodiversité, et ce, « dès l’école primaire » :
« il faut arriver à ce qu’on puisse en parler sans que ce soit un tabou, en fait, il faut arriver à en parler comme si c’était juste une condition » ;
« on apprend toujours dans la société que (…) la base, c’est la normalité. Si on apprenait que personne n’est normal (…) il y aurait moins de problèmes de ce côté-là ».
Pour les participant · e · s les mentalités doivent évoluer d’où ces besoins éducatifs sociétaux : « on est tous un peu différents et identiques, d’une certaine manière (…), c’est aussi la société qui fait que certaines personnes sont plus différentes que d’autres ». Ainsi, s’ils · elles avaient une baguette magique, certain · e · s des participant · e · s feraient apparaître « une machine qui peut faire inverser les rôles » afin de permettre « à tous les professionnels de santé ou autre, de savoir et de comprendre » comment ils · elles vivent, ou encore « un traducteur recto/verso » qui permettrait de simplifier la communication entre les personnes autistes et les personnes neurotypiques.
4.3 Identification des besoins éducatifs
Considérant la notion de « besoins éducatifs » comme « l’écart entre un niveau de savoir actuel et un niveau de savoir souhaité par la personne, lequel peut être potentiellement comblé par des interventions éducatives », et ne souhaitant pas faire preuve d’extractivisme des savoirs, nous avons rapporté dans les Tableaux 4, 5, 6 l’ensemble des besoins éducatifs souhaités par les participant · e · s. Ces besoins concernent le grand public, les personnes autistes et les professionnel · le · s de la santé. Ils ont été identifiés à partir de l’ensemble des besoins perçus et des attentes des participant · e · s.
Besoins éducatifs du grand public exprimés par les participant · e · s.
Educational needs of the general public expressed by participants.
Besoins éducatifs des personnes autistes exprimés par les participant · e · s.
Educational needs of people with autism expressed by participants.
Besoins éducatifs des professionnels de la santé exprimés par les participant · e · s.
Educational needs of healthcare professionals expressed by participants.
5 Discussion
5.1 Domaines et types de besoins identifiés
La présente recherche offre une fenêtre sur l’expression des besoins de santé de personnes autistes. Les résultats permettent de mieux appréhender leur contexte de vie, leurs priorités de santé et les obstacles auxquels elles se confrontent. Les besoins exprimés sont relatifs à leurs construction identitaire, normativité de santé, parcours de soins, relation avec les soignants, gestion de vie, interactions sociales et la démocratisation de l’autisme. Les participant · e · s ont témoigné rencontrer des défis dans huit domaines des dix capabilités centrales développées par Nussbaum, à savoir les domaines de vie, santé et intégrité corporelles, sens/imagination/pensée, émotions, raison pratique, affiliation, ainsi que maîtrise de l’environnement politique et matériel.
Afin d’assurer la satisfaction de ces besoins et l’atteinte de ces capabilités, les personnes autistes peuvent s’autodéterminer en se réappropriant des savoirs et des compétences. À travers des programmes d’ETP et des séances d’ES, elles peuvent ainsi acquérir et développer des compétences individuelles d’auto-soins et d’adaptation psychosociale, des capabilités individuelles, ainsi que des capabilités collectives pouvant influer sur le système de santé [21]. En effet, l’éducation en soi, en tant que « capabilité fertile », permet de favoriser d’autres capabilités [38].
Cependant, une éducation uniquement réservée aux personnes autistes n’est pas suffisante pour leur permettre de mener la vie qu’elles souhaitent. Ainsi, pour être capabilitante, cette éducation doit « élever » la société toute entière. Comme le souligne Bouffard, la société a d’une part le devoir « d’assurer un « seuil » minimal et la « sécurité » des capabilités, mais doit également en promouvoir un « fonctionnement fertile », notamment par l’éducation [38]. Les attentes de changement de mentalité, d’environnement capacitant, de sensibilisation du grand public et de formation des professionnel · le · s de la santé, illustrent les interventions éducatives sociétales considérées par les participant · e · s comme nécessaires ; une grande partie de leurs incapabilités étant liée à cet environnement social défavorable.
De même, les besoins éducatifs identifiés par les participant · e · s dans le cadre de cette recherche communautaire sont bi-directionnels. Certains concernent les professionnel · le · s de la santé, d’autres les concernent directement.
5.2 Des besoins éducatifs reconnus par des pairs et des experts
5.2.1 Besoins éducatifs des professionnel · le · s de la santé
La connaissance et la compréhension de l’autisme par les soignant · e · s sont ressenties par les participant · e · s comme un besoin éducatif prépondérant. La formation lacunaire de l’autisme qu’ils · elles perçoivent, retentit dans leur relation avec les soignant · e · s et dans leur parcours de soins. L’impact de cette méconnaissance a été démontré dans la prise en charge somatique du public autiste, dévoilant ainsi des inégalités d’accès aux soins, une mauvaise coordination de parcours, ainsi que des injustices épistémiques [10,39]. L’instauration d’une relation patient · e · s autistes-soignant · e · s de qualité dépend en grande partie de la connaissance de l’autisme, des attitudes, des comportements et des compétences des professionnel · le · s de la santé [40]. Le besoin de formation à l’autisme de ces derniers, y compris pour ceux exerçant dans le domaine de l’ETP, est reconnu et décrit dans diverses études et rapports [10,20,40,41]. Une recherche en particulier a montré l’importance de développer des « programmes de formation » et des « actions de sensibilisation » sur la spécificité du suivi somatique du public autiste [10].
À ce besoin de connaissance s’ajoute celui de reconnaître et respecter la capacité des patient · e · s autistes à « faire des choix de santé et d’agir pour leur santé », ce besoin pouvant être comblé par l’apprentissage de la posture éducative inculquée lors de formations à l’ETP, comme le préconise le rapport régional d’ETP autisme Centre Val de Loire (CVL) [41].
La nécessité d’apprendre à travailler en équipe avec d’autres spécialistes pour offrir des soins coordonnés et holistiques exprimée par les participant · e · s, est un besoin rapporté par d’autres auteur · e · s : « des formations croisées, d’intervisions ou de stages entre institutions visant une rotation positionnelle permettrait à chaque professionnel d’un secteur donné de mieux comprendre les logiques d’intervention de ses interlocuteurs » [10].
5.2.2 Besoins éducatifs des personnes autistes
Les participant · e s ont signalé leur désir de mieux se connaître et se comprendre afin de répondre à leurs questionnements identitaires. Lorsque le diagnostic est posé à l’âge adulte, « après des années de conformité aux attentes de la société et de sentiments de différence non validée », il est important de parvenir à prendre conscience qu’il est possible de s’épanouir en tant que véritable soi [39]. Les besoins éducatifs relatifs à cette construction identitaire, sont retrouvés dans les récentes études relatives à la mise en œuvre de l’ETP Autisme en France et dans le CVL [20,41]. Connaître son fonctionnement, connaître l’autisme en général et développer l’estime de soi, sont des besoins éducatifs essentiels comme le témoigne une paire autiste : « la connaissance « d’être soi », pour permettre la croissance de l’estime de soi » est un « outil indispensable à toute personne humaine pour se réaliser » [20].
La volonté d’être en santé selon sa normativité est également présente chez les participant · e · s. Ils · elles désirent apprendre à prendre soin d’eux · elles, à se nourrir, à avoir une vie sexuelle et affective dans le respect de leurs particularités sensorielles, sans « injonction » de normes de santé. Se protéger des abus et des violences en apprenant à identifier les comportements abusifs et relations appropriées, est aussi une priorité exprimée par les participant · e · s. Pellicano et al. confirment la nécessité d’une éducation qui permettrait de « transmettre des connaissances vitales en matière de protection », les adultes autistes connaissant des taux plus élevés que les adultes non autistes, de victimisation sexuelle, d’agressions physiques et de violences domestiques [16].
Les participant · e · s ont témoigné de leur besoin d’affiliation avec la nature et les animaux, mais également de leur besoin de « connexion humaine ». Ces témoignages viennent confirmer la récente révision théorique suggérée par Legault et Poirier [42]. En effet, selon ces auteurs, « les personnes autistes ont bel et bien de la motivation sociale », et le manque de motivation sociale qui leur est attribué dans certaines études [43], émane sans doute des normes sociales appliquées pour interpréter leurs comportements [42]. Cependant, les participant · e · s ont souligné les difficultés de communication sociale qu’ils · elles rencontrent avec les personnes neurotypiques. Le décalage de connexion qu’ils · elles ont signalé, tient aux mécanismes de communication respectifs de leur fonctionnement autistique et du fonctionnement neurotypique. La théorie de la double empathie suggère que ce décalage explique le fait que les interactions entre personnes autistes et non autistes semblent être réciproquement compliquées [16]. Le désir des participant · e · s d’apprendre à gérer les relations, à résoudre leurs difficultés interactionnelles, à développer des stratégies de communication, est exprimé par des adultes autistes au sein des deux études relatives à la mise en œuvre de l’ETP en France et en CVL [20,41].
Être libre de gérer sa vie de façon autonome en étant soutenu · e.s, est aussi un besoin retrouvé dans ces deux dernières recherches. Toutefois, les participant · e · s de l’étude ont en outre relaté leur besoin d’autonomie décisionnelle et le souhait d’apprendre à se protéger eux-mêmes en connaissant leurs droits, qui reflète la capacité de « self-advocacy » de plus en plus prônée par les associations de personnes autistes [44]. Cette volonté de défendre leurs droits individuels s’étend à la défense des droits de la communauté autiste, comme l’illustre leur besoin de s’engager dans la sensibilisation de la société à la neurodiversité. Le besoin d’« être traitée d’égale à égale avec les autres membres de la société » ainsi témoigné par une paire autiste [20], rejoint un des besoins éducatifs exprimé par les participant · e · s à l’égard du grand public, à savoir, reconnaître et promouvoir la neurodiversité en rejetant les conceptions déficitaires de l’autisme.
5.3 Développer les capabilités des personnes autistes au sein des programmes d’ETP : une réponse aux besoins du public autiste ?
5.3.1 Une éducation thérapeutique adaptée…
Des programmes d’ETP Autisme commencent à voir le jour sur le territoire national. À travers ces programmes, les personnes autistes peuvent acquérir/développer des compétences leur permettant d’atteindre le bien-être qu’elles recherchent. Pour cela, leurs subjectivités doivent être prises en compte par les équipes de professionnel · le · s de la santé dès l’élaboration des programmes, notamment en termes d’accessibilité, de contenu, de méthodes pédagogiques, comme de terminologie adoptée… Comme le souligne Choulet-Vallet, l’action thérapeutique doit provenir de la situation des personnes concernées [27]. Ainsi par exemple, au regard des modes d’expressions (verbale, non-verbale, et émotionnelle) et de perceptions (émotionnelle et sensorielle) exprimés par les participant · e · s, ainsi que des capabilités qu’ils/elles priorisent (affiliation avec la nature et les animaux, jeu/passions), un certain nombre de méthodes et de pédagogies pourraient être envisagées telles que l’éducation somatique, la médiation animale ou encore l’art thérapie.
Pouvoir offrir une éducation thérapeutique adaptée au public autiste, est intrinsèquement lié par la reconnaissance des savoirs situés des personnes autistes en tant qu’expertise par les soignant · e · s. Cette reconnaissance est par conséquent un enjeu primordial dans le développement d’une ETP Autisme de qualité, « la pédagogie thérapeutique » visant donc les professionnel · le · s de la santé « en première instance » [27].
5.3.2 …couplée à de l’éducation salutogénique
Alors que l’ETP vise des compétences d’auto-soins et des compétences d’adaptation psychosociale, l’ES, quant à elle, « vise l’effectivité des libertés et les transformations de l’environnement » [21]. Comme proposé par Gross et Gagnayre, « l’ETP pourrait être le lieu pour éduquer aux capabilités collectives » [21]. Cela suppose de créer des programmes d’ETP développant et soutenant les capabilités collectives des personnes autistes, incluant « des capabilités d’affiliation », « des capabilités d’aspiration », l’identification collective des « questions salutogéniques » et la « production collective de connaissances » [21]. Le développement de ces capabilités collectives permettrait d’atteindre trois objectifs :
l’amélioration du parcours de soins du public autiste, par la lutte contre les vulnérabilités iatrogènes physiques et psychosociales (refus de prise en charge, injustices épistémiques, environnement de soins non adaptés…) et la conscientisation des « expériences de l’in-juste » [21] ;
l’irrigation des compétences/capabilités individuelles des personnes autistes car certaines capabilités individuelles sont issues des interactions sociales (on parle de « socially dependant individual capabilities ») [45]. En effet, identifier collectivement les vulnérabilités iatrogènes permet de « faciliter la compréhension », accroître le « sentiment de pouvoir gérer les évènements de sa vie et de leur donner du sens » [21] et favorise dès lors les parcours de vie ;
la sensibilisation et la formation des professionnel · le · s de la santé. En effet, les capabilités collectives développées lors de cette ES permettraient aux personnes autistes de s’émanciper, et de pouvoir, pour celles qui le souhaitent, s’engager à éduquer les soignant · e · s à une meilleure prise en charge du public autiste. Outre le fait de « reconfigurer la balance entre les savoirs experts et les savoirs expérientiels » [27], cela contribuerait à une responsabilisation collective de leur santé.
5.3.3 Propositions d’opérationnalisation
À l’instar des préconisations d’opérationnalisation de Gross et Gagnayre, les séances d’ES intégrées au sein des programmes d’ETP Autisme, pourraient se dérouler dans le cadre du suivi éducatif de groupe. Lors du bilan éducatif partagé, deux formats pourraient être proposés aux personnes autistes qui souhaiteraient bénéficier de cette ES. Un format intégré ETP/ES, articulerait les compétences d’ETP aux capabilités (Tab. 7), et un format à la carte, permettrait d’ajouter des séances d’ES aux séances d’ETP proposées. Ces séances collectives seraient animées par un binôme constitué d’une personne autiste préalablement formée à l’ETP, et d’un · e professionnel · le de la santé préalablement formé · e à l’autisme.
Selon Gross et Gagnayre, l’ES doit être portée « par une institution capabilitante car elle seule a le pouvoir nécessaire pour instituer les transformations de pratiques » [21]. Dans le cadre de l’ETP Autisme, les GEM Autisme soutenus par des équipes hospitalières mobiles, pourraient relever de ces institutions capabilitantes, répondant ainsi à l’accessibilité des soins et contribuant à la réorientation des services de santé.
Exemples de compétences/capabilités en ES établies à partir des besoins éducatifs exprimés par les participant · e · s.
Examples of ES competences/capabilities based on the educational needs expressed by participants.
5.4 Limites et forces de l’étude
Le nombre limité de participant · e · s ne permet pas de généraliser les résultats de l’étude à l’ensemble de la population adulte autiste et laisse supposer que certains besoins n’ont pas été évoqués. L’échantillon de 21 participant · e · s, bien que suffisant pour des discussions qualitatives riches, reste limité et ne peut pas être représentatif de la diversité des expériences des personnes autistes, notamment en ce qui concerne les différences de niveaux de fonctionnement et de contextes géographique et socio-économique.
Une de ses principales forces réside dans l’implication directe de personnes autistes en tant que co-chercheur · e · s et participant · e · s. La participation des personnes autistes à tous les niveaux de la recherche s’est avérée faisable et utile, même si cela n’a pas été sans difficultés. Ainsi, si l’étude est restée participative jusqu’à son achèvement, il a fallu néanmoins faire face à certains désagréments. L’équipe de co-chercheur · e · s a été remaniée (arrêt maladie, départ d’un co-chercheur). Mais cette approche a favorisé une expression libre des besoins, les participant · e · s ayant confiés se sentir plus compris · e · s et en confiance entouré · e · s de leurs pair · e · s. Cela a permis une compréhension authentique et nuancée des expériences vécues, cependant à l’instar de l’ethnologie du proche, cela a nécessité une certaine « défamiliarisation » à l’égard de ce cadre de vie commun, afin de se détacher de toute forme d’évidence et d’éviter de restreindre ainsi le champ d’analyse [46]. Les focus groups ont également facilité les échanges d’expériences personnelles et la validation mutuelle, créant ainsi un environnement où les besoins exprimés reflètent des préoccupations réelles et partagées au sein de la communauté autiste. La démarche qualitative et communautaire de l’étude a ainsi permis de compléter les référentiels de compétences proposés par le rapport de mise en œuvre de l’ETP Autisme [20], et de les enrichir en alignant les objectifs d’éducation thérapeutique avec une logique de développement des capabilités. La matrice de compétences/capabilités proposée (Tab. 7) s’inscrit dans une approche salutogénique, valorisant les savoirs situés et les aspirations des participant · e · s plutôt que leur simple adaptation à des normes préexistantes. En se penchant sur les capabilités auxquelles les personnes autistes aspirent et les obstacles qui les entravent, cette recherche a placé leurs intérêts en première ligne en mettant en lumière des incapabilités encore insuffisamment explorées.
6 Conclusion
En adoptant l’approche par les capabilités de Martha Nussbaum, couplée à une démarche communautaire, la présente étude a permis d’identifier de manière approfondie les besoins éducatifs de personnes autistes à prendre en compte dans le développement de programmes d’ETP Autisme sur le territoire néo-aquitain. Les résultats ont ainsi mis en lumière des besoins multidimensionnels, relatifs à la construction identitaire, la normativité de santé, le parcours de soins, la relation avec les soignants, la gestion de vie, les interactions sociales et la démocratisation de l’autisme. L’approche par les capabilités a permis de centrer l’étude sur le potentiel des personnes autistes à vivre une vie digne et épanouissante, en allant au-delà des simples déficits ou limitations, souvent mis en avant dans d’autres recherches. Les récits collectifs des participant · e · s ont ainsi révélé l’importance d’un soutien sociétal pour renforcer leurs capabilités, en soulignant la nécessité d’environnements capacitants, incluant une sensibilisation et une éducation des professionnel · le · s de la santé à la neurodiversité. D’autres études sont nécessaires afin d’explorer les représentations de ces derniers · ères, et de croiser les perspectives.
La matrice des compétences/capabilités proposée pourrait être testée et évaluée dans le cadre de programmes d’ETP Autisme déjà existants. Il serait également souhaitable d’étudier les modalités de partenariat entre les GEM Autisme et les équipes hospitalières mobiles pour soutenir ces besoins éducatifs dans le cadre de programmes d’ETP salutogénique.
Remerciements
Les auteurs remercient l’ensemble des personnes autistes adhérents des GEM Autisme La Pierre de Lune, Sortir de sa bulle, Itinérant 16 et Le Verger de l’Altérité pour avoir participé à cette recherche, et pour avoir accepté le protocole de la recherche jusqu’à la validation de l’analyse des données. Nous tenons également à remercier les animatrices des GEM pour leur implication et leur collaboration.
Financement
Ces travaux de recherche n’ont fait l’objet d’aucun financement spécifique.
Conflits d’intérêts
Les auteur · e · s déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Contribution des auteurs
C. Durand-Larrieux : conceptualisation, méthodologie, analyse, rédaction. S. Larrieux : méthodologie, analyse. L. Rebel : méthodologie, analyse. O. Gross : supervision, révision.
Approbation éthique
Un avis formatif du LEPS a approuvé le protocole de recherche en date du 27 mars 2024.
Déclaration de consentement éclairé
Le consentement éclairé écrit a été obtenu par tous les participant · e · s.
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Citation de l’article : Durand-Larrieux C, Larrieux S, Rebel L, Gross O. Vers une éducation thérapeutique salutogénique au profit du parcours de vie des personnes autistes : une recherche « par, pour et avec » la communauté autiste. Educ Ther Patient/Ther Patient Educ 2024; 16:20202. https://doi.org/10.1051/tpe/2024024
Liste des tableaux
Besoins éducatifs du grand public exprimés par les participant · e · s.
Educational needs of the general public expressed by participants.
Besoins éducatifs des personnes autistes exprimés par les participant · e · s.
Educational needs of people with autism expressed by participants.
Besoins éducatifs des professionnels de la santé exprimés par les participant · e · s.
Educational needs of healthcare professionals expressed by participants.
Exemples de compétences/capabilités en ES établies à partir des besoins éducatifs exprimés par les participant · e · s.
Examples of ES competences/capabilities based on the educational needs expressed by participants.
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