À l’occasion de la diffusion du guide ETP de l’OMS-Région Europe¹, il nous semblait important de souligner l’importance de la recherche et de pointer les enjeux dans lesquels s’inscrit le développement de l’ETP.

La pratique de l’ETP est au carrefour de nombreux enjeux de santé qui traversent une société. Chacun d’entre eux fait l’objet d’analyses par différentes disciplines (médecine, santé publique, sciences expérimentales et sociales). Cette analyse multidisciplinaire a des conséquences sur l’évolution de l’ETP que tente d’éclairer la recherche. Celle-ci concerne aussi bien la définition de ses finalités que l’émergence de nouvelles compétences des patients, la mise au point des modalités psychopédagogiques soutenant l’intervention éducative, la conception et la mise en œuvre de son organisation dans le système de soins et de santé, les orientations des formations initiales et continues des différents acteurs (professionnels du soin, patients ressources, administrateurs, politiques) qui œuvrent pour sa réalisation. D’autres questions de recherche émergent : quelle place prendra l’ETP dans le cadre d’une médecine personnalisée et prédictive, dans les prises en soins de haute technologie palliant les conséquences d’une maladie ou de plusieurs maladies ? Quelle ETP pour répondre à l’augmentation des personnes atteintes de plusieurs maladies ? Quelle forme peut revêtir l’ETP pour l’inscrire dans des approches populationnelles allant vers le plus grand nombre de personnes aux références culturelles variées ?

Mais si l’ETP est influencée, elle influence à son tour les pratiques, les systèmes et les politiques de santé. De par sa nature multidisciplinaire contenue dans son nom même : « Éducation thérapeutique », elle questionne selon le prisme de l’apprentissage, le vivre avec une maladie/des maladies, la relation patient-soignant le système de soin, les formes d’organisation de soins capacitantes soutenant l’agentivité des personnes. Elle pose l’importance de l’intelligibilité des personnes, le sens qu’elles accordent à leur santé comme un déterminant de leur pouvoir d’agir et sans doute comme un déterminant de leur santé. Elle interroge le devenir des compétences acquises par les personnes dans leur action de transformation de leur quotidien (et au-delà de la société) au regard de leur analyse de ce qui serait souhaitable pour eux, leur entourage et leur communauté. Il n’est pas étonnant que l’ETP croise le mouvement de l’engagement des patients qui interroge la réalité des soins et leur organisation avec ses propres méthodes et actions. L’ETP engage chaque acteur dans une réflexion-transformation produisant des innovations, ici et là, dont les approches théoriques de leur conception et de leur diffusion (en particulier dans les soins primaires) restent un domaine de recherche entier. Il s’agit de répondre à l’équité d’accès à des soins et des ETP de qualité et au final, contribuer à la réorientation des services de santé, un des leviers de la promotion de la santé.

Il est essentiel que les questions de recherche soient partagées, débattues par les différents acteurs. D’où l’importance d’espaces dédiés soutenant des recherches collaboratives. Les questions de recherche sont d’autant pertinentes qu’il s’établit un dialogue entre les expériences, les pratiques et les recherches.

Le récent guide de l’ETP de l’OMS-Région Europe aurait gagné à rappeler l’importance de ce dialogue, expression d’une démocratie en santé. Et de mentionner qu’au final, l’ETP est politique et émancipatrice parce qu’elle mise sur l’intelligence, la compétence, l’esprit critique des personnes vivant avec une maladie et parce qu’elle permet l’expression de leur perspective patient. Finalement au titre de ce guide aurait pu être adjoint un sous-titre : l’ETP, une révolution silencieuse empruntant le titre d’un éditorial de Gilles Noussenbaum dans la revue Décision Santé, il y a plus d’une dizaine d’années.

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